Un instrument, deux pratiques
Le violon est issu de l’évolution de deux instruments à archet, les rebecs - très présents dans l’iconographie locale, ainsi les fresques de Lugaut dans les Landes, les sculptures de la Cathédrale d’Oloron… - et les violes. Il apparaît en Europe au début du XVIe siècle et a toujours bénéficié d’une place prestigieuse dans les musiques savantes et populaires.
Deux définitions trop répandues :
* Violoniste : n. personne qui joue du violon.
* Violoneux : n. m. fam. Mauvais joueur de violon. // Ménétrier de campagne
Nos vrioloaires aquitains, humbles ménétriers de campagne, n’ont pas eu cette chance, d’où de regrettables confusions entre deux types de pratiques pourtant clairement identifiables par leur répertoire et leurs techniques de jeu. Ainsi, au début du 19ème siècle, le Vicomte de Méthivier explique, dans " De l’agriculture et du défrichement des Landes ", que " …le violon, vient entre les mains d'un ménétrier inhabile, faire entendre en plein air ses sons discordants. Cet instrument si ingrat, a besoin d'une main habile, pour inspirer ce charme que savent lui donner les Rode et les Baillot… ". Alors que, quelques décennies plus tard, Félix Arnaudin n’abonde guère dans ce sens, ainsi les " …joueurs de violon de la Teste et des autres localités du Buch […] étaient souvent appelés autrefois aux mariages des familles riches du pays, désireuses d'offrir à leurs invités de la musique un peu plus sortable… ". De quoi être bien payé et bien reçu ! Les collectes du 20ème siècle montrent d’ailleurs que du Béarn à l’agenais, le statut de l’instrument était partout excellent.
Violoneux
Résiduel dans les années 1920-30, le savoir-faire des violoneux aquitains, aurait été perdu s’il n’y avait eu quelques rencontres heureuses dans les années soixante-dix. Né avant la fin du 19ème siècle, ces dépositaires des " vieille pratiques " se faisaient alors bien rares. Leur témoignage montre que le vrioloaire apprenait toujours " d’oreille " avec un voisin musicien, en échange de quelques volailles et joue sans complexe en bas du manche. Il n’hésitait pas à chanter en jouant (Scottish double) et agrémentait souvent son jeu du carillon de grelots attachés à son pied. La cadence primant sur la mélodie, son coup d’archet incisif rythmait la danse et son style complexe mêlait à la mélodie de multiples bourdons et des accords de quinte souvent dissonants (Seguida de rondèus). En vallée d’Ossau, des cartes postales de la fin du 19ème siècle montrent qu’un barrage monte l’accord du violon d’un ton. Ainsi les violoneux ossalois évitaient les doigtés difficiles pour développer un jeu original complémentaire de celui des flûtes. Tous ces violoneux utilisaient souvent l’accord classique abaissé d’un ton pour économiser les cordes. Fragiles et chères, il fallait aller les acheter à la ville, autant de bonnes raisons pour les ménager !
Violoneux ruraux
Une évolution continue va transformer le ménétrier campagnard de la fin du 19ème siècle en violoniste rural dans les années 1950. Parmi les multiples causes, la guerre de 14-18 et ses millions de morts, qui a privé les campagnes de musiciens expérimentés porteurs du répertoire, des techniques de jeu et des traditions. Leur présence dans la vie sociale des années 1930 aurait sans doute ralenti une évolution par ailleurs inéluctable. L’après-guerre signe une volonté de renouveau à laquelle n’échappe pas la musique des campagnes. Les polkas (Polka), scottishs (prononcez escottiches)(Scottish), mazurkas et valses déjà présentes à la fin du 19ème siècle gagnent du terrain sur le répertoire traditionnel avant d’être chassées par les airs à la mode des années 1930. C’est alors que les partitions des airs diffusés par la radio apparaissent chez les marchands de musique et, au cours des bals, certains danseurs mettent les violoneux au défi de lire les partitions qu’ils apportent. Comparés aux violonistes classiques qui " lisent " la musique, ces musiciens routiniers, qui " ne savent pas les notes ", passent pour des analphabètes musicaux. Beaucoup abandonnent, d’autres apprennent l’accordéon, largement moins exposé, mais les plus tenaces commencent à s’initier au solfège ! Leur style aussi se modifie car ces airs nouveaux demandent une technique différente (Quadrille bordelais). Ainsi, comme les mélodies deviennent prééminentes sur le rythme et que leur ambitus grandit, leur exécution nécessite de démancher en déplaçant la main gauche sur le manche du violon, technique tout à fait étrangère au jeu des anciens violoneux qui la laissaient près du sillet.(Scottish double)