Élevage traditionnel
Ce rituel festif est indissociablement lié à la tradition d’élevage puis de consommation des bœufs gras de la race bazadaise. Le bœuf gras se prépare selon un rythme précis : à 6 mois, le jeune taureau est enlevé à sa mère, castré, puis nourri en étable pendant 4 ans, d'une manière spécifique (« secret » des éleveurs), jusqu'à sa maturité en tant que bœuf gras du Jeudi gras. Les critères d'évaluation du bœuf sont les suivants : longueur du dos droite, bosse à l'encolure, culotte arrondie, poids à l'abattoir, arrière de la cuisse rebondie, et, caractère indispensable, des cornes bien plantées. Les éleveurs doivent ainsi anticiper afin que les bœufs mis au concours le Jeudi gras soient fins prêts ce jour-là : un jour changeant puisqu’il s’agit d’une fête mobile.
Cette jour célèbre tout autant les métiers de boucher et d’éleveur, couple indissociable de cette fête calendaire. Une filière aujourd’hui menacée par le marché mondial et les coûts de ce type d’élevage qui ne repose plus que sur quelques familles d’éleveurs et le métier d’artisan boucher.
Monsieur Manseau, éleveur, insiste sur la période d'engraissage du bœuf qu’il compare aux êtres humains : « Tous les bœufs ne peuvent être engraissés, cela dépend de leur goût pour la nourriture et de leur capacité à la digérer. On connaît la bête personnellement ».
Les éleveurs sortent les bœufs sélectionnés plusieurs fois de l'étable avant la date cruciale, ils les font « tourner » afin de les habituer au défilé. Dans ce laps de temps, ils les lavent soigneusement, les brossent, rasent la partie de la cuisse de façon à mettre en évidence la masse musculaire, ils les encouragent et les apaisent.
Le jour de la fête, ils les harnachent d'un licol, d'une couronne de fleurs confectionnée en général par les femmes d’éleveurs. Ils fixent l'étiquette (rosace) porteuse du nom de l'éleveur et du boucher qui s'occupera de l'apprêter après l'abattage, après quoi ils les attacheront à l'arrière du char, tiré par le tracteur.
La promenade des boeufs gras
La fête voit la déambulation des animaux et des chars apprêtés pour l’occasion et décorés selon les thèmes choisis par les éleveurs, l’ensemble étant accompagné par les fifres et tambours des ripataulèras, et par des échassiers.
Chaque boucher présente au consours une paire de bœufs qui seront évalués selon leur qualité bouchère et la conformité à la race bazadaise.
Chars et bœufs sont amenés sur le foirail (place des Tilleuls) et pesés, puis, ils se rangent les uns derrière les autres pour entamer la marche suivant un trajet prédéterminé : les boulevards, certaines rues de la vielle ville, la place centrale de la Cathédrale. Ces chars se veulent une scène ambulante des significations multiples du carnaval : la fécondité de la nature, le printemps, la fécondation, la prospérité de la cité et du savoir-faire des familles d’éleveurs.
Cette manifestation correspond à un type de pratique très ancien en France et en Europe à l’image du cortège du bœuf gras de Paris réactivé en 1998. Le concours a, par ailleurs, été créé par la municipalité sur le modèle des fêtes et comices agricoles du XIXème siècle.
Les Bazadais font remonter la manifestation au Moyen-Âge et à la cérémonie de don, au clergé, d’un taureau par les bouchers de Bazas. En compensation, les bouchers se voient alors octroyer le privilège de promener leurs bœufs dans les rues de la ville pour le Jeudi gras, invitant les populations locales à se réjouir et à festoyer. Depuis cette date, la Fête des bœufs gras se perpétue s’inscrivant dans un même cycle rituel que le feu de la Saint-Jean d’été.
La fête continue, l’ensemble de la journée étant consacré à la dégustation du bœuf cuisiné ou grillé, dans la rue, dans les restaurants, ou pour le banquet composé surtout d’officiels et de Bazadais. De leur côté, les bouchers, les éleveurs et leurs commis prennent ensemble un repas animé par les musiciens.