Le Carnaval de Géronce est sans conteste le plus vieux Carnaval du Béarn. Depuis des siècles Géronce et l’ensemble des villages du Josbaig (la vallée du Joos) ont su perpétuer la pratique des mascatèras (mascarades) qui fait leur célébrité dans toute la plaine du Gave, de Navarrenx à Oloron.
Mascarade ou Cavalcade
Le carnaval se déroule durant deux week-ends consécutifs après mardi-gras. Il se compose de plusieurs bals et d’une cavalcade qui, le premier dimanche après-midi, attire plus de dix mille personnes. La cavalcade, également nommée mascatèra, sous forme de « corso fleuri », traverse et mobilise l’ensemble des villages du Josbaig. Composé d’une quinzaine de chars présentant des sujets d’actualité sociale ou politique, ce grand défilé démarre du village d’Orin, traverse Géronce et Saint-Goin pour faire demi-tour à Geüs et revenir vers 18 heures à Géronce. Chaque traversée de village fait l’objet d’un arrêt aux buvettes, l’arrivée finale étant couronnée par un repas puis un bal. Le corso est accompagné d’une partie de la population costumée – « les masqués » – l’actualité fournissant à nouveau le thème des costumes déclinés individuellement ou de façon collective. L’ensemble est accompagné par une banda placée en tête, derrière les blancs, et par des sonorisations branchées sur les batteries des tracteurs dont les hauts parleurs sont intégrés aux chars. Des DJ animent les arrêts dans chaque village de même que la soirée du dimanche et les bals de la période.
Les blancs : L’honneur du village
Les blancs ouvrent la cavalcade et forment la garde de Sent Pançard. Ce sont de tous jeunes hommes – autrefois les conscrits de l’année – qui, au nombre de 7 à 10, portent des drapeaux et « los esquirons » c’est-à-dire des trophées de forme conique fixés au sommet d’une perche, fait de lattes recouvertes de papiers colorés dont la base circulaire est garnie de sonnailles (esquiras) de vaches et de rubans flottants. Variation des anciens baladins connus autrefois en Béarn et Pays-Basque, ils sont fardés et habillés de blanc décorant leur costume de guirlandes de papier multicolore, de sonnailles accrochées aux poches pectorales et d’autocollants. Cette garde est aujourd’hui composée des juniors du XV des Gaves – Union Sportive Josbaig guidés par deux hommes d’âge mûr qui les dirigent jusqu’à la fin de l’après-midi. Installés en deux lignes parallèles, ils lancent trophées et drapeaux d’une ligne à l’autre, tous en même temps. Ils interviennent de façon privilégiée à l’entrée/sortie ou sortie/entrée de chacun des villages où la foule massée attend. D’un port gracile, résistants et agiles, les blancs sont l’honneur du carnaval et du village, opposés aux masques autrefois qualifiés de « tous très laids ». Silhouettes et visages diaphanes, ils deviennent, une fois grimés, des êtres affranchis de la pesanteur, dansant avec légèreté et lançant haut les drapeaux et esquirons. Caractéristiques de la symbolique de carnaval, ils incarnent à la fois le néant et la vie, l’âme des morts en errance
au milieu des vivants, l’ambiguïté sexuelle, ils incarnent pour tous le passage de l’hiver au printemps et leur propre basculement d’une classe d’âge vers l’autre. La chorégraphie contemporaine accentue leur ambigüité : après les lancers, l’un d’eux se retourne vers ses camarades et, avec le manche du trophée, il mime un mitraillage. Tous tombent comme morts pour se redresser très vite après dans un saut dynamique et régénérateur.
Transmission
Le Carnaval est l’affaire de toute la vallée et de toutes les classes d’âge. Géré par une association, sa préparation mobilise largement la population pendant deux mois : autant les blancs pour la confection de leurs habits et des esquirons que diverses équipes qui confectionnent les chars. Dès lors la transmission des valeurs et du savoir-faire de carnaval s’accomplit tout au long de la période à travers les récits, les photographies regardées et commentées en famille et entre amis, les circulations nocturnes de grange en grange où se réalisent les chars, bien entendu dans la cavalcade proprement dite, ou encore dans les échanges informels en milieu scolaire ou à l’occasion de projets pédagogiques.
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